Le 22 juillet 2022, deux protocoles très importants relatifs à la procédure de plainte1
individuelle au
Maroc entreront en vigueur, à savoir, le premier Protocole facultatif au Pacte international relatif aux
droits civils et politiques sur le dépôt des plaintes, et le Protocole facultatif à la Convention sur
l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes relative à la compétence pour
présenter des plaintes individuelles et des enquêtes. Ces deux protocoles ont été ratifiées par le Maroc
le 22 avril 2022 et entrent en vigueur le 22 juillet 2022.
A cette occasion, le Médiateur pour la Démocratie et les Droits de l’Homme (MDDH) exprime sa fierté
de l’adhésion du Maroc à ces deux protocoles, dans la mesure où ils constituaient l’une des principales
revendications au sein de l’agenda de plaidoyer du MDDH et du mouvement des droits de l’Homme au
Maroc. Ces protocoles ont fait l’objet de nombreuses recommandations faites au Maroc par les organes
conventionnels mais aussi par le mécanisme d’examen périodique universel.
Dans ce cadre, le Médiateur tient à rappeler que les organisations œuvrant dans le domaine des droits
de l’Homme, les défenseur.euse.s des droits de l’Homme et les victimes présumées sont habilitées, en
vertu de ces deux protocoles, à déposer des plaintes au comité des droits de l’Homme et au comité pour
l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, en cas d’allégation de violation de l’un des droits
énumérés dans le Pacte ou la CEDAW2
. Lors de la soumission des plaintes, les éléments suivants sont
requis :
- La plainte ne doit pas être anonyme et doit être écrite et signée par la partie plaignante, et il est
préférable d’utiliser le template3 préparé par les organes de traités ; - La plainte doit émaner d’un ou plusieurs individus relevant de la juridiction de l’Etat partie au
traité, qui a accepté la procédure de dépôt de plaintes individuelles ou a ratifié le protocole relatif
à cette procédure ; - Le plaignant doit épuisé toutes les voies de recours locales disponibles, c’est-à-dire que l’affaire
a accomplie les différents degrés de contentieux local, ou l’une des procédures administratives
1 Cette procédure est connue sous deux appellations qui sont soit la procédure de « communications individuelles » soit la
procédure de « plaintes individuelles », et nous utiliserons dans ce communiqué « plaintes individuelles » car c’est le terme
couramment utilisé au Maroc.
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Il est à noter que le Maroc reconnaît la compétence de la plupart des organes conventionnels de l’ONU pour recevoir des
plaintes individuelles, à l’exception du Comité des droits économiques, sociaux et culturels : et ce suivant ce qui suit : l’article
22 de la Convention contre la torture, l’article 22 de la Convention pour l’élimination des toutes les formes de discrimination
raciale, l’article 31 de la Convention pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, l’article 77 de la
Convention sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, et les protocoles relatifs
aux procédures de dépôt des communications individuelles annexés à la Convention des droits de l’enfant, la Convention
relative aux personnes en situation d’handicap et aux deux protocoles faisant l’objet de ce communiqué.
3 Les templates sont disponibles sur les liens suivants :
https://www.ohchr.org/en/documents/tools-and-resources/form-and-guidance-submitting-individual-communication-treaty-bodies - Lien vers le Règlement intérieur du Comité des droits de l’homme (chapitre dix-huit):
https://www.ohchr.org/fr/treaty-bodies/ccpr/rules-procedure-and-working-methods - Lien vers le Règlement intérieur du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes :
https://tbinternet.ohchr.org/_layouts/15/treatybodyexternal/TBSearch.aspx?Lang=en&TreatyID=3&DocTypeID=65
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pouvant fournir un recours effectif dans un délai raisonnable. Cette règle ne s’applique pas si
les recours internes sont inefficaces ou prolongés dans le temps sans justification raisonnable; - La plainte doit être déposée soit par la personne elle-même ou son représentant, et la plainte
déposée au nom d’une victime présumée peut être acceptée, si elle s’avère que la personne n’est
pas en mesure de déposer elle-même la plainte ; - L’allégation doit être étayée par des preuves suffisantes qui preuvent que la personne est victime
d’une violation par l’État partie de l’un des droits garantis par la Convention (le Pacte
international relatif aux droits civils et politiques ou la Convention sur l’élimination de toutes
les formes de discrimination à l’égard des Femmes); - L’affaire sujet de la plainte elle-même ne doit pas être en cours d’examen devant une autre
instance internationale d’enquête ou de règlement ; - Le dépôt d’une plainte peut être considéré comme un abus de l’utilisation de cette procédure, si
la plainte est déposée cinq ans après que l’auteur a épuisé les voies de recours internes, ou, le
cas échéant, trois ans après l’achèvement d’une autre procédure d’enquête ou de règlement
internationales, à moins qu’il n’y ait des justifications pour un tel retard, avec la prise en compte
de toutes les circonstances de la plainte.
Dans ce contexte, nous tenons au sein du Médiateur pour la Démocratie et les Droits de l’Homme, à
saisir l’occasion de l’entrée en vigueur de ces deux protocoles, pour inviter l’acteur gouvernemental et
institutionnel à prendre en considération les recommandations suivantes:
Premièrement: Assurer le renforcement du rôle du pouvoir judiciaire dans la protection des droits et la
facilitation des voies de l’accès à la justice ;
Deuxièmement: Travailler pour activer et renforcer les compétences protectrices des mécanismes
nationaux de recours ;
Troisièmement: Assurer la préparation des ressources humaines, organisationnelles et institutionnelles
pour garantir un traitement efficace et efficient des mécanismes internationaux concernés par la gestion
des plaintes individuelles en relation avec les deux protocoles.
Quatrièmement: Le Médiateur pour la Démocratie et les Droits de l’Homme renouvelle son appel aux
pouvoirs publics pour poursuivre le processus de ratification et d’adhésion aux protocoles fondamentaux
relatifs aux droits de l’homme, notamment le deuxième protocole facultatif au Pacte international relatif
aux droits civils et politiques relatif à la l’abolition de la peine de mort et le Protocole facultatif se
rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels par rapport au dépôt
des plaintes individuelles, et la levée immédiate des réserves et déclarations interprétatives sur certains
articles des conventions fondamentales auxquelles le Maroc est partie.
Youssef Ghouirgate
Secrétaire Général
Le Médiateur pour la Démocratie et les Droits de l’Homme